Trois humeurs qui régissent la vie de l’organisme humain sont
prises en considération : la jaune, la rouge et la noire. Les éléments
constitutifs de chacune de ces catégories sont, dans l’alimentation humaine,
représentés par : le beurre et tout ce qui est gras pour l’humeur jaune ; toutes
les viandes et même le poisson (d’ailleurs appelé " viande de poisson ") pour
l’humeur rouge ; les piments, la fumée, le thé pour l’humeur noire. Un être bien
portant consomme tout cela et l’expression de sa bonne santé se traduit
littéralement par : " toutes les humeurs sont égales "
Les légumes, de consommation trop récente, sont considérés
comme hors catégorie traditionnelle. Ils sont neutres. Pour les fruits, on
distingue un fruit acide, citron par exemple, d’humeur noire, d’un fruit doux,
sucré, la datte, d’humeur jaune.
Une surconsommation d’humeur jaune, de graisse de bosse de
chameau ou de beurre de chèvre, si délicatement blanc et parfumé, amène une
" jaunite " (présence de cholestérol). La personne atteinte de cette affection
présente le blanc des yeux devenu jaune. On lui conseille d’absorber beaucoup de
viandes rouges cuites à la braise pour équilibrer les humeurs. Si l’on constate
un abus de tabac ou d’épices, par exemple, une " noirite ", on conseille alors
le beurre et, dans les deux cas, " jaunite " et " noirite ", il faut consommer
beaucoup de viandes rouges saignantes.
Pour ce peuple de pasteurs, un aliment est considéré comme le
remède universel, la panacée, il s’agit du lait " qui guérit tout ". Lait de
chamelle délicatement salé lorsque le chamelon est âgé de quelques mois, alors
qu’il était si doux, presque sucré à la naissance, lait de chèvre parfumé, lait
de vache servi directement après la traite, dans la tadit, sorte de calebasse
préalablement chauffée avec des braises.
A côté d’une véritable pathologie spécifique à la Mauritanie,
existe ce qui pourrait sembler... une coquetterie et qui finit par présenter
toutes les facettes d’une véritable maladie. C’est timchi, littéralement
" l’envie de, le manque de ". Il s’agit là d’un besoin impérieux éprouvé par une
personne à l’égard d’un aliment précis, souvent le lait ou la viande d’un animal
qui ne se trouve pas dans la zone, tant est forte sur ce peuple la symbolique de
cet animal, image d’une vie dirigée de puits en puits, de pâturages en
pâturages.
A une certaine époque de l’année, les gens sont en " manque
de " lait de chamelle ; des boutons apparaissent sur leur peau, sur les
muqueuses buccales, ils contractent angine sur angine. On retrouve cette
pathologie sur des Mauritaniens expatriés et - en apparence - bien insérés dans
leur lieu de vie ; elle semble même amplifiée par l’impossibilité absolue de se
procurer ce lait si ardemment convoité. Les choses peuvent d’ailleurs rentrer
dans l’ordre après l’absorption d’un seul bol de lait de chamelle.
Pendant le temps de l’hivernage, ce lait peut manquer. Les
troupeaux sont descendus vers les pâturages situés sur les bords du fleuve
Sénégal ; on se sert alors, pour pallier ce manque, de crottins de chameau
laissés à macérer dans l’eau, que l’on boit après filtrage. On conserve
d’ailleurs toujours dans les bagages lesdits crottins en cas de besoin. A défaut
de cela, on peut prendre une lanière en cuir de chamelle et la mâcher
longuement, ou bien mieux du tichtar (viande de chameau séchée à l’ombre). Si le
manque de lait de vache se précise, on procède de la même manière. Il serait
intéressant de comparer les analyses du lait et des bouses pour voir ce qui,
indispensable à l’organisme, est commun aux deux produits.
Maux de ventre
Colique (toukhma) et diarrhée (elleyé) sont soignées en buvant
du lait froid dans lequel ont infusé des feuilles de jujubier. On peut aussi
consommer seules les feuilles de jujubier, c’est très amer mais radical.
Brûlures gastriques
(belgham et mahwar)
On associe cette pathologie, dont souffrent en particulier les
femmes, à un excès de consommation de graisse. On corrige cette erreur
alimentaire par des éléments acides ou rafraîchissants : une viande légèrement
cuite à l’eau dont on boit le sang après l’avoir extrait par pressage, des
dattes très sucrées, au goût prononcé, trempées dans l’eau avec de la gomme
arabique pour obtenir alors un liquide un peu épais, de la poudre de " pain de
singe ", fruit du baobab, également dilué dans l’eau.
Insolation
Dans ce pays où la température peut dépasser 50°, l’insolation
frappe, accompagnée de fièvre. On applique alors de la pâte de henné sur les
pieds et sur la tête ; ce procédé fait baisser la température et conserve la
fraîcheur un long moment.
Angines, rhumes, sinusites
On nomme les manifestations de ces affections " le petit
froid ". On les combat en buvant le lait chaud, inhalant du lait assaisonné de
poivre et de piments, un linge sur la tête pour ne rien perdre des vapeurs
dégagées par la préparation, en s’allongeant ensuite sous une couverture pour
transpirer.
Rhumatismes
Deux sortes de rhumatismes font souffrir. Ceux dus au froid,
ceux dus à la chaleur. On traite alors le mal par son contraire. Si l’hiver vous
avez marché dans le froid, vous devez exposer le membre souffrant à la chaleur
d’un feu, l’enfouir dans du sable très chaud, l’enduire de pâte de henné.
Si vous avez souffert à cause de la chaleur, il faut au
contraire enfouir le membre souffrant dans du sable humide, mais également
l’enduire de henné et dans ce cas, il gardera la fraîcheur.
Hypertension
Il faut dans ce cas suivre un régime excluant les graisses et
pratiquer une saignée au cou et dans le dos.
Déchirure musculaire
Les signes apparents sont inexistants, mais la douleur est
vive : le muscle est endommagé. Faire un pansement comprimant, pratiquer des
massages, poser des ventouses (hijama). On se sert d’un verre à thé où l’on
glisse rapidement une allumette enflammée et on applique sur le muscle souffrant
en encerclant la déchirure avec plusieurs verres.
Un insecte dans l'oreille
Si un moucheron ou une fourmi est entré dans l’oreille, il faut
prendre un peu d’huile, la chauffer légèrement, l’introduire dans le conduit
auditif et la garder quelques minutes. L’insecte sort. Cette médication est
également valable pour les otites.
Constipation
On cueille la plante de séné, le velegit, remarquablement
efficace ; après avoir fait macérer les feuilles quelques heures dans l’eau, on
obtient ainsi une boisson à filtrer. L’effet " ravageur " est presque immédiat.
Pour l’arrêter, on absorbe une bouillie de mil en mangeant de la viande
grillée.
Toux
La gomme arabique assouplit les voix respiratoires, c’est un
excellent calmant.
Crise de folie violente
De préférence la nuit, à l’abri des regards, on a ligoté le
malade. Le marabout le frappe soit avec un rameau, soit avec une lanière de cuir
préalablement trempée dans de " l’eau de Coran " tout en récitant ses propres
incantations. Dans la nuit sombre, le marabout s’en revient épuisé, car c’est en
fait contre les djinns qu’il vient de mener un combat.
Diabète
On se sert, pour faire baisser le taux de sucre dans le sang,
d’un animal semblable à un très gros lézard, le dhab. Commun, on le rencontre se
faufilant entre les blocs de pierres sur le reg, mais il faut s’en emparer !
Lorsqu’on parvient à l’extraire de la roche sous laquelle il s’est réfugié, on
l’égorge. Sa chair grillée ou séchée avant d’être pilée est à consommer par
pincée.
Nouveaux-nés affaiblis
On utilise également la chair de ce petit margouillat en la
faisant cette fois bouillir dans l’eau qu’on fait absorber au nourrisson ; elle
est à la fois purgative et fortifiante.
Une épine
Extraire une épine, parfois fichée profondément, est réalisable
avec le fruit de cet arbre bénéfique qu’est Balanites egyptiana. Son fruit
ressemble quelque peu à une datte. Il est composé d’une écorce, d’une pulpe et
d’un noyau garni d’une amande ; cette dernière, de consistance légèrement
huileuse, doit être pilée et humidifiée. On applique ce cataplasme sur l’épine
qu’il fait peu à peu remonter à la surface en trois ou quatre jours
seulement.
Brûlures
Pour soulager la brûlure, on fait griller la pulpe du fruit de
Balanites egyptiana et on la réduit en poudre. Mélangée à un peu d’huile pour
faciliter l’adhérence, il faut enduire de cette pâte la partie brûlée, sans la
recouvrir. On peut aussi confectionner un emplâtre avec des feuilles de thé ou
avec du tanin en poudre (dont on se sert aussi pour tanner les peaux). L’effet
de brûlures est alors amplifié pendant quelques secondes, puis une sorte
d’anesthésie s’installe.
Furoncle
L’usage de la gomme arabique est systématique en médecine
traditionnelle, et on la retrouve dans ce cas pour faciliter la maturation.